L’avenir est à ceux qui se lèvent tôt, alors lever 6h30. Le ciel est bleu, la température fraiche mais pas négative ! Je saute dans mon pantalon, et plie la tente direct. Vive la Quechua 2sec. 07h devant les douches qui ouvrent juste, j’enfile un barre de céréales et suis prêt à partir à 07h15. Go go go ! Qui a parlé de vacances ?
L’objectif de la journée est d’arpenter le deuxième nid à bestiaux du parc, Lamar Valley, au nord de Canyon. Je reprends la route de Dunraven, descend de l’autre côté sur Tower Falls. La route est en travaux, et on passe au petit pas en suivant un pickup qui nous indique la marche à suivre. Je bifurque sur Lamar Valley, il est 8h30. Jolie lumière, c’est plein de bisons et sur ma gauche un troupeau fait marche vers l’Est. Je m’avance un peu, laisse la voiture et vais à leur rencontre, sur une butte qui surplombe le chemin que visiblement ils empruntent régulièrement. Ils passent à 100m de moi. Je shoote un max. Mâles, femelles, des vieux, des jeunes, beaucoup de jeunes en cette période, ça défile sous mes yeux pendant une demi-heure. Pour mon grand plaisir, certains se roulent dans la poussière pour chasser les parasites. Un peu plus loin, un pronghorn, sorte d’antilope locale, fait son apparition sur le bord de la route. Bonne entrée en matière, la journée s’annonce bien.
Je continue sur la route qui suit la Lamar River, toujours des bisons à foison mais pas d’ours. En verrai-je un ? Les bisons me ramène à la réalité : le jeu à la mode chez le bison consiste à vouloir traverser la route, se planter en plein milieu et – très fier de lui – à contempler le bouchon ainsi créé. Alors on attend patiemment que l’envie de finir de traverser la route le reprenne. Pendant ce temps on en profite pour contempler cette vallée, très verte et parsemée de points noirs. Du bison en veux-tu, du bison en voilà. Un temps menacé de disparition dans l’ouest américain, ils ont bien compris qu’ici ils ne craignaient rien.
Un peu plus loin un point de vue donne sur un coude de la rivière. J’observe dix minutes sans rien voir et m’apprête à rebrousser chemin quand tout à coup whouuusshhhh, un Golden Eagle en plein piqué passe à moins de dix mètres pour aller attaquer le nid d’un autre oiseau dans lequel il y a des jeunes, plus bas sur la berge. La mère est partie et on les entend piailler. Alertée, la mère (de la taille d’un merle) vient à la rescousse et harcèle l’aigle qui ne trouve pas l’entrée du nid, caché derrière des branches. La scène dure cinq minutes après quoi l’aigle décide de tourner les talons et repart réfléchir à la situation, posé sur une hauteur à 200m de là. Je décide de le suivre, revient sur mes pas, quand sur le chemin un blaireau (un vrai) traverse juste devant et m’ignore royalement. Décidément ici, il suffit de se baisser.
Je pars retrouver l’aigle. Je me gare à l’arrache et grimpe dans la pampa. Il est au bord d’un ruisseau. Il me voit monter mais ne bouge pas. Je shoote. Il est 10h, le temps de reprendre la route pour aller poser ma tente à Mammoth pendant qu’il y a de la place. Dans certains campings vous pouvez réserver un emplacement à l’avance, mais pour les autres c’est First Arrived – First Served. A cette période, il vaut mieux se pointer tôt sinon vous gagner le droit d’aller dormir à l’extérieur du parc, et c’est loin. Je remonte Lamar Valley, retrouve mes bisons, leurs bouchons, les pronghorns et tous les touristes qui se régalent comme moi. Un peu plus loin, à proximité de Petrified Tree, un nouveau bouchon se présente. La présence d’un ranger pour assurer la circulation ne fait dire que ce n’est pas un simple problème de bison. Il m’annonce un Black Bear sur la gauche. Les consignes sont clairs : rouler au pas, faites une ou deux photos si vous voulez, mais ne bloquez pas la route, et surtout ne sortez pas de la voiture, il s’agit d’une mère et de son petit. Arrivé à son niveau, je vois qu’il s’agit de Mama Bear et que l’ourson est quelques mètres derrière. Ours : Checked.
Je poursuis jusqu’à Mammoth, la route est magnifique, et sillonne les reliefs du nord. C’est vert à droite, c’est vert à gauche, c’est bleu au dessus. Royal, et pas un chat. Pas d’ours non plus. L’arrivée sur Mammoth contraste un peu. Mammoth c’est un peu la capitale du parc, c’est ouvert tout l’année au public quand le reste du parc est noyé sous la neige, c’est ici que les Rangers ont leur bureau, et surtout c’est ici que historiquement les gens sont toujours venus en raison de la présence de sources chaudes. On retombe dans la partie ouest du parc, marquée par l’activité géothermique. Il y a beaucoup de monde à Mammoth, je crains que le camping ne soit déjà plein. Ici, les wapitis broutent paisiblement sur les terre-pleins centraux de la route. L’animal est roi, l’homme s’adapte. Heureusement pour moi il reste de la place, mais contrairement à celui de Canyon qui était magnifique et à l’abri sous les grands arbres, ici il n’y a pas d’arbre, pas d’ombre, les emplacements pour les tentes sont en caillasse, pas de douche. Mais 20$ quand même. Au final il y a pas mal de places disponibles et je me dis que je me suis pressé pour rien ce matin.
La Quechua plus ou moins bien plantée dans les cailloux, je repars à l’aventure et revient sur la route qui m’a amenée ici. Deux petites cascades, Wraith Falls et Undine Falls m’offrent un parfait environnement pour une pose casse-croûte réussie. Encore une fois l’idée de l’ours me retraverse l’esprit. Je suis tout seul sur un chemin qui fait le tour de la cascade, et je me dis que les tranches de charcuterie de mon sandwich doivent humer bon à des mètres à la ronde. Pas de bear spray, peut être qu’en secouant ma bouteille de Sprite façon champion de F1, ça pourrait faire illusion… Je reprends la route et en profite pour m’amuser un peu avec la GoPro. Prochaine étape Petrified Tree, avec l’ambition de me faire une petite ballade d’une heure et demi pour rejoindre Roosevelt Lodge et retour par Lost Lake (je vous dit, ici les noms claquent). Le trail est sympa et mais je me dis que l’ourse de ce matin ne doit pas être très loin. Un peu de stress mais rien à l’horizon. Ca redescend pas mal vers la Lodge, et donc ça remonte fort pour revenir sur le Lost Lake. Je ne vois rien de bien transcendant sur le chemin, me bat contre les moustiques qui pullulent au bord du lac et constate que le soleil se voile, sans doute les orages prévus pour la fin de journée qui se développe.
Alors que j’arrive juste en contrebas du parking, je cherche ma voiture du regard et constate que tous les gens là haut scrutent quelque chose … dans ma direction. A peu près sûr de ne pas être si connu que ça ici, je me dis que ce doit être autre chose. Je scrute autour de moi et … merde mais c’est quoi ça ?? Putain un ours !! Il est là à moins de 100m, une énorme boule de poil noir, le nez dans les arbustes à chercher quelque chose. Bon, on ne panique pas, j’ai 50m à faire sur ma droite pour rejoindre le parking, il est sur ma gauche, tout va bien. Pressé d’aller chercher le télé qui est resté dans la voiture, je me contraints à marcher tranquillement comme je suis arrivé. Deux minutes plus tard, je vois mon ours en train de remonter gentiment le sentier que je viens d’emprunter et se dirige droit vers le parking. Un bel ours brun. On a beau dire ce qu’on veut, dans l’imaginaire commun un ours c’est tout sauf un prédateur carnivore. Citez moi un ours méchant, un ours féroce. Winnie ? Baloo ? Teddy Bear ? Petit Ours Brun ? Colargol ? Yogi ? Bouba ? Non définitivement les ours ont bonne réputation et on ne se méfiera pas d’ours comme on se méfierait d’un tigre ou même d’un loup. En pourtant on devrait. Sauf que ça a l’air pataud et paisible, ça à l’air tout doux. Non on n’a vraiment pas envie de partir en courant. Alors, portez par l’effet de groupe, avec quelques autres photographes on le laisse se rapprocher et les obturateurs crépitent. Ca n’empêche pas de rester prudent, et de garder une distance limite, de ne pas lui tourner le dos, de s’assurer que vos copains photographes ne vous ont pas laissé tout seul alors que vous aviez l’oeil dans le viseur. Il n’a pas l’air spécialement intéressé / menacé par nous. Et il reprend le sentier qui part du parking, et sur lequel des randonneurs se sont engagés il y a 5 minutes…
Désormais tout va mieux. Non pas que j’ai perdu mon respect pour la Bête, mais fini de s’inquiéter à savoir si j’allais vraiment en croiser un ou pas. Je reviens ensuite vers Tower Falls, retrouve mon pickup éclaireur sur la route en travaux, et vais faire quelques photos de la cascade du coin. Le clou du spectacle ne s’avère pas être la chute d’eau, mais le camping car énorme auquel est accrochée une caravane tout aussi énorme qui se gare à côté de moi. Curieux de savoir qui conduit ça, je ne suis qu’à moitié surpris en voyant descendre papa-mormon-à-barbe et maman-mormone-à-robe-traditionnelle et leurs …. douze enfants. Un autre concept des vacances, mais pas le mien. J’ai finalement un peu de temps devant moi alors je repars sur Lamar Valley jusqu’à arriver à la bordure nord du parc, en limite du Montana. Mais le soleil s’est caché et la vallée n’est plus aussi belle. Je deviens exigeant.
Il est temps de rentrer au camping, et les premières gouttes s’éclatent sur mon pare-brise. Ca se gâte au fur et à mesure et droit devant les éclairs claquent, sans doute sur Mammoth. Je sors la GoPro, ou plutôt je la laisse à l’intérieur. Effectivement, je prends l’orage en route et c’est assez sévère, j’espère que la tente que j’avais maigrement arrimé dans le sol rocailleux est toujours là ou je l’ai laissée. Mammoth est beaucoup moins peuplé d’un coup, les wapitis ne se prélassent plus au milieu des parterres. Arrivé au camping, celui ci indique «Full». Une bonne chose que je sois passé tôt finalement. La tente est toujours là, même pas imprégnée, je la secoue un peu pour enlever le plus gros et repars manger. En déchargeant les photos le soir, c’est la douche froide : le téléobjectif que j’ai loué pour l’occasion a un gros défaut de mise au point et la plupart des photos sont floues. J’avais déjà un doute hier, mais là ça devient très clair. Aller, quoi qu’il en soit la chasse a été bonne, on ne va pas se plaindre, il est temps de récupérer, demain est un autre jour.
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